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Non ! non ! je n’ai pas passé une semaine au Caire chez les chiffonniers !
Juste une semaine au fond des bois à patauger dans ma décharge à moi : ma décharge mentale…

Il y a quelques années, tout ce qui nous encombrait disparaissait à la décharge ; j’ai donc tenté pendant huit jours de faire la même chose, de vérifier tout ce qui me pesait, me bridait, m’empêchait de respirer à fond.

Lâcher tout ce qui n’avait pas de sens, d’urgence, tester comment me dégager de toute cette charge mentale.

Bien que ce ne soit pas ma première expérience, j’ai remarqué que le premier jour est toujours aussi flottant. J’ai tellement oublié ce dont j’avais besoin. Il me faut beaucoup de temps et de patience avec moi-même pour retrouver les goûts, les sensations et vérifier si c’est bien ok avec mon besoin maintenant. Un nouvel apprentissage de choses très primaires mais qui constituent ma vie.

Car il ne s’agit pas des combler des envies : c’est un puit sans fond, alors que répondre à un besoin permet de clore et de passer à autre chose.
Etrangement le temps s’est énormément allongé et allégé. J’ai posé ma montre, inutile cette semaine, j’ai tout mon temps.

Je ne DOIS plus répondre au téléphone, payer les factures, gérer le linge, faire les courses, inventer des menus, lancer des invitations, faire les routes de classe, prendre rdv chez le médecin, déboucher les gouttières, planter les géraniums, changer les ampoules explosées, réserver les billets de train, passer l’aspirateur, faire le contrôle technique….

Je ne dois plus rien du tout ; me voilà en face de moi à écouter avec délicatesse de quoi j’ai vraiment besoin là maintenant. Dormir, lire, marcher, nager, bricoler, méditer, contempler ; tout est possible, à moi de le définir.

Il n’y a personne pour me dire « Quand est-ce qu’on mange ? » Très vite j’ai lâché sur ce sujet et me suis autorisée une liberté totale ; manger où je veux, quand je veux, ce que je veux et comme je veux, aussi déséquilibré que cela puisse paraître ! Est-ce que j’ai faim maintenant ? Faim de quoi ?

Ça paraît simple ! Eh bien pas du tout. La première tentation est de ne pas manger ; ça marche mais pas très longtemps. Vient le temps de la redécouverte du goût et de la satiété.
Un œuf dur (bio) et une tomate avec un peu de sel : quelle merveille.
Un bon café dans une jolie tasse en porcelaine : cela éclaire toute la journée !

J’ai remarqué que le fait de respecter mon " horloge de l’appétit " et de manger seulement quand j’en ai besoin, a diminué beaucoup la quantité de nourriture absorbée. Mes besoins en sucre ont été très limités et cela sans le moindre effort.

Dormir ? Bras en croix, en travers du lit avec TOUTE la place, dans des draps tout doux …. Me coucher à 20h, me réveiller à 2h, allumer la lumière et bouquiner pendant deux heures et me recoucher jusqu’à… ce que je me réveille… Un rêve ? Non une réalité dégustée pendant 8 nuits. Là encore chaque soir est différent.

Marcher ? Pieds nus dans le sable dur de la marée descendante, avancer tout droit, caressée par le vent, les poumons rincés par le grand air. Avancer jusqu’à satiété… une heure ? Deux heures ? Le temps qui me convient…

Créer ? Jouer au pinceau magique et transformer une chambre toute sombre en un espace lumineux ; sans délai, en prenant tout le temps qu’il faut, sans obligation de finir, par petites touches, juste pour le plaisir de voir le changement.

Déguster le silence troublé seulement par le bruit des feuilles et les oiseaux qui s’interpellent. J’avais oublié combien les oiseaux étaient bavards.
Flotter dans le temps, complètement à la dérive.
Et terminer la semaine nettoyée des obligations, reposée dans mon corps et dans ma tête…


Avec la ferme résolution de maintenir un haut niveau de barrage aux « pressions ».0505 Presse201806 Tranquille427640

 


Ecrit par Eliane de Kerchove | Publication 16 juin 2018