"Avant de s'agrandir au dehors, il faut s'affermir au dedans." – Victor Hugo
Non ! non ! je ne vais pas vous proposer d'aller jouer au casino et de mettre sur la roulette votre lignée familiale. Quoique !
Comment mettre de la confusion où il n'y en avait pas ... ou comment modifier les re-pères
"père, impasse et manque"
Par tradition en France, le nom du père est donné à l'enfant à la naissance ; ainsi, la lignée paternelle se crée, la lignée maternelle étant d'office puisque la mère porte l'enfant à naitre (quoique ! un autre sujet sous-jacent avec les mères-porteuses, les dons d'ovocytes, les dons de spermes ...). Là, je n'évoque pas le cas des enfants naturels où le nom donné est celui de la mère. Ceci créant souvent des secrets de famille ou des non-dits et souvent amenant une confusion chez l'enfant et/ou une difficulté de différents ordres (apprentissage, communication, mise en relation, ...).
Depuis le 1er juillet 2022, toute personne majeure peut changer de nom rapidement (en 1 mois) et ce, une seule fois dans sa vie -plus de retour en arrière possible.
Celle-ci va choisir de changer de patronyme – patronyme lien avec le père, matronyme lien avec la mère –, de rajouter un nom ou d'enlever un nom par rapport à ce qui est inscrit à la base sur son acte de naissance (acte fondateur en soi pour l'individu).
En tant que praticienne en Transgénérationnel, je m'interroge sur les motivations des individus qui souhaitent ainsi procéder et sur les conséquences que peut avoir un tel acte ; non que je ne sois pas attentive au fait que le nom soit difficile à porter (en référence avec l'histoire, avec une personne, avec un défaut, ...) et qui peut être une demande légitime. J’ai, pourtant eu l'occasion de rencontrer un Mr Ducon qui ne comprenait pas pourquoi il devait changer son nom sous prétexte que son nom n’était pas « normal » ; « mes parents s'appelaient ainsi, mes grands-parents et d'aussi loin que je me souvienne il y a toujours eu des Ducon » me disait-il.
Possibilités : une femme souhaite faire cette démarche pour remercier sa maman de tout ce qu'elle a fait pour elle depuis sa naissance - son père n'ayant jamais donné de ses nouvelles par exemple-, un jeune homme venant d'avoir un gros clash avec son père décide de prendre le nom de sa grand-mère maternelle !
Et si demain les liens se refaisaient et la communication se rétablissait ! Qu'en serait-il?
Dans ma pratique, je vois bien que la légitimité (dans beaucoup de domaine de la vie) passe par le nom transmis et constate les dégâts qui s'ensuivent (place dans la société, études contrariées …) lorsque le nom n'est pas celui qui devrait être.
C'est comme si la personne était coupée d'une partie de sa lignée (à savoir la moitié d'elle-même) ; donc du père, des grands-parents paternels et ainsi de suite.
De même, lorsque l'on rajoute un nom à ce qui est déjà ... pourquoi ? qu'est-ce qui pousse à rajouter ce nom ?
Changer de nom est déstabilisant et peut être destructeur ou réparateur.
Lorsqu'un enfant a dû changer de nom parce qu'il est enfant naturel (nom de la mère) puis reconnu lors du mariage de sa mère (nom du mari de sa mère) il est bien souvent perturbé en tant qu'individu "comment je m'appelle finalement ? qui suis-je ? quelles sont mes racines ?" ; le nom du père biologique n’étant toujours pas donné, transmis.
Lorsque l'on demande à un adolescent s'il est d'accord pour changer de nom quand l'un des deux parents en fait la demande (prévu dans la loi aux enfants de plus de 13 ans), ses parents lui octroient une responsabilité qui n'est pas la sienne. Il le mette dans une position risquée "à qui vais-je faire plaisir ?"
Rien n'est anodin !
Le changement de nom ou de prénom (par ailleurs) est un acte fort en soi.
Il modifie les repères internes et externes.
Quand je rencontre une personne pour la première fois, comment est-ce que je me présente « je suis Mr Dupont », « je m’appelle Mr Tremblé », « je suis Mr Tremblé-Dupont », « je m’appelle Mme Durand-Gorde » ; il peut y avoir un temps d’adaptation.
Il me semble nécessaire de réfléchir et d'être accompagné par une personne totalement neutre (hors famille, hors amis) pour aller dans une démarche posée et sereine.
Les questions pourraient être les suivantes :
Pourquoi changer de nom ? Y a-t-il danger à garder ce nom ? Qu'est-ce que je ne veux pas admettre ? Qu'est-ce que je refuse ? Envers qui suis-je en colère ? Qui ai-je envie de mettre sur un piédestal ? Suis-je en dette vis-à-vis d'un membre de ma famille ?
Quelqu’un de ma famille a-t-il déjà changé de nom ? etc.
Le premier repère inscrit au vu de tous est nos prénoms et notre nom de famille dans l’état civil et nous relie à notre inconscient familial.
Les changer c'est refuser une partie de notre propre histoire ! Alors pourquoi ?
Ecrit par Lydie Poisson | Publication 16 septembre 2022