"On peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres qui entravent le chemin
– JW von Goethe

 

Notre histoire familiale influence encore aujourd'hui notre vécu.

A Cherbourg, Lydie Poisson s'intéresse à cette histoire qui peut parfois peser… L'occasion de rencontrer une étude peu connue du grand public mais néanmoins fort passionnante. L'idée est de comprendre l'héritage légué par nos aînés avec ses forces, ses faiblesses, ses secrets et ses non-dits, afin d'en retirer une autre richesse pour sa propre vie…Eclairage !

"Dans 99% des cas, c'est le fait de dire les choses qui fait que la personne va aller mieux. Enfin, c'est dit!" explique Lydie Poisson, qui s'est formée à la psychogénéalogie et aux constellations familiales il y a quelques années.

Quand nous arrivons au monde, nous avons bien sûr tous un héritage génétique, mais aussi psychologique. Cet héritage s'exprime à travers l'histoire de notre famille dont nous sommes un des maillons dans la chaîne des générations. Même si nous ne connaissons pas toutes les personnes de notre arbre généalogique, leur trace subsiste en nous à travers des secrets, des non-dits, des allusions, le tout transmis par nos parents…

Lydie, dynamique femme de son temps, n'emploie pas souvent le terme de thérapeute (bien que cela puisse être considéré comme un soin) pour se qualifier mais bien plutôt celui d'accompagnatrice, car c'est en effet d'un véritable accompagnement qu'il s'agit, un peu comme un compagnon de route pour éclairer un pan de son histoire : "On fait un bout de chemin ensemble" pour voir comment aider au mieux les personnes qui se présentent aux week-ends ou aux petits séminaires qu'elle organise sur le thème de la psychogénéalogie ou des constellations familiales.

La psychogénéalogie, une thérapie ?

La psychogénéalogie, considérée comme une thérapie par certains, comme une drôle de science pour d'autres, quand elle n'est pas assimilée à du charlatanisme pur et simple, pose indéniablement question en tant qu'étude relativement nouvelle dans le domaine de l'inconscient collectif et familial.

Plusieurs week-ends "découverte de la psychogénéalogie" ont eu lieu cette année déjà, permettant d'apprendre à établir son arbre généalogique avec les dates, les événements et les éléments nécessaires afin de découvrir les projections familiales "Nous recevons des étiquettes dès notre naissance"; les identifications "à un père, une mère, un aïeul, pendant notre enfance et notre adolescence"; et les répétitions "de situations agréables ou d'événements douloureux, que nous le voulions ou non, que nous le sachions ou non". Ceci pour permettre de reconnaître les mécanismes familiaux, les liens transgénérationnels qui nous régissent tous…mais qui, parfois, peuvent nous empêcher de prendre notre vraie place dans la vie…

Les deux branches de son arbre généalogique, maternelle et paternelle, vont permettre à l'"impétrant en psychogénéalogie" de décortiquer des thèmes tels que prénoms, noms, dates, conception, naissance, filiation, fratrie, rencontres, couples, alliances, maladie, accidents, décès, milieux sociaux, professions, argent, biens, déménagements, déplacements, migrations, croyances et mythes familiaux…0505 Presse201009Lydie640427

Dans le joli salon-bureau d'Octeville au décor sobre et soigné, Lydie écoute beaucoup. Elle ne juge pas, n'interprète pas, elle écoute. C'est peut-être là le secret de ceux qui veulent vraiment aider: écouter mais ne pas se permettre d'influencer, au contraire des charlatans.

En fonction de la demande, elle voit la méthode qui semble le mieux convenir. Parfois, les gens ont déjà commencé à travailler sur eux-mêmes, le travail de fond est plutôt alors en psychogénéalogie (où la personne est seule avec Lydie au contraire des constellations familiales où il y a des groupes qui sont constitués pour écouter cette personne). "La constellation familiale, c'est comme un bouchon qui sort, rapide, on y vient une fois normalement, pas plus, sauf s'il y a une autre problématique…"

Les constellations familiales ou "comment se construire avec ses ancêtres"

La personne qui arrive en constellation familiale n'a pas forcément beaucoup d'information, elle a un malaise qui ne se sait pas en info consciente mais elle le sait peut-être inconsciemment. Elle l'a peut-être en elle, cette info. Par exemple, elle est numéro un dans sa fratrie mais elle ne se sent pas à sa place, ni socialement, ni familialement. Elle découvre qu'avant elle, sa mère a eu une grossesse qui n'a pas abouti; de fait, il y a eu un premier enfant dont la personne n'a pas eu connaissance, elle est en fait numéro deux de sa fratrie…
Le système des constellations familiales se base sur un constat simple mais qui semble terriblement réel "Une partie importante de nos problèmes et de nos souffrances s'inscrit ou trouve ses origines dans nos systèmes familiaux et les générations antérieures".

C'est Bert Hellinger, un psychanalyste allemand (né en 1925), qui aurait mis au point cette technique de thérapie courte, initiant les constellations familiales dans les années 80, défiant les sciences dites exactes. Pour le vieil homme parfois controversé: "nous portons tous en nous une image inconsciente de notre famille. Et ce sont les désordres de cette image qui causent nos souffrances". Les constellations familiales peuvent permettre de donner un sens à ces symptômes en les reliant à une autre personne du système et à son destin souvent dramatique. Les identifications qui ont traversé les générations (parfois trois ou quatre générations!) deviennent, en quelque sorte, transparentes, les liens sont renoués, la place peut être rendue aux membres mis à part et leur destin honoré: l'idée est de sortir libéré du poids des générations antérieures.  

0505 Presse201009Constellation640427La force de la technique des constellations familiales proviendrait donc de l'économie de moyens, de la rigueur du processus et de la possibilité de mettre en scène des personnes disparues. Ainsi, le processus est le suivant, sans rien de magique mais bien quelque chose de l'ordre de la parole qui libère…un peu comme une mise en scène théâtrale active.

Celui qui fait le travail choisit, parmi une assistance de gens qu'il ne connaît pas et qui ne le connaissent pas mais qui sont là en confiance, des représentants pour les membres de sa famille et pour lui même. Il les dispose dans l'espace les uns par rapport aux autres, puis prend place dans l'assistance. Lydie travaille alors avec ceux qui vont figurer les représentants de sa famille, pendant que celui-ci regarde le processus. Elle questionne les représentants et peut ainsi mettre en évidence les enchevêtrements et les identifications dans cette famille. En déplaçant les représentants et au moyen de phrases et de gestes choisis, elle va permettre de dégager un nouvel ordre où chacun des membres de la famille peut se sentir bien et à sa place. C'est ici que le rôle de l'accompagnant est très grand et qu'il se doit d'être juste autant qu'honnête. Une fois la constellation mise en scène, celui qui travaille peut se voir confronté à une partie de son histoire niée ou ignorée jusque là…

"Si tu pleures, t'es pas un homme!"

Dans les constellations familiales, on peut aussi choisir des thèmes plus ou moins abstraits, ainsi, faire figurer le pays, ou la guerre… Parfois, on sait d'où le mal-être vient "Quand il y a eu la guerre…" puis on commence la phase de "réparation", aller chercher la paix, l'amitié, l'amour…Savoir se construire en temps de guerre n'est pas facile. Emotionnellement, certains sont restés à l'âge de quatre ou cinq ans "pas dans l'intellectuel, mais dans le ressenti, l'émotionnel".
Par exemple, certains vont dire "je ne suis pas un homme, un homme n'a pas le droit de pleurer", si un homme se blesse, il encaisse, il se tait. Il n'a pas le droit de montrer ses larmes, ses émotions, pourtant essentielles pour vivre. Tout ça à cause d'un poids social ou familial surgi de son enfance, lorsqu'à quatre ans il est tombé et s'est fait mal mais qu'un adulte lui a dit "tais-toi, si tu pleures t'es pas un homme…" Il est urgent de casser certaines pratiques idiotes! Bien sûr que tout homme a le droit de pleurer, comme de rire…0505 Presse201009 Cle6427640

Les secrets de famille, les non-dits…

Il existe encore de nombreux domaines que peut aborder la psychogénéalogie, parmi eux, des choses qui pèsent parfois lourd dans la tête d'un individu: les secrets de famille et les non-dits…

"Le secret et le non-dit se côtoient de très près : un non-dit est su de tous, alors qu'un secret, par définition, n'est connu que de quelques personnes. Un secret peut contenir des non-dits alors qu'un non-dit ne sera jamais un secret […]

La naissance du secret se fait de manière très simple : une partie de l'histoire d'une personne ne doit pas être révélée ; honte, culpabilité sont les principaux sentiments à l'initiative de cette mise au secret. Ainsi les différentes sources de création d'un secret sont essentiellement la naissance, l'exclusion sociale et la mort…" a-t-on pu dire à la suite d'une conférence sur le sujet.

 

Comprendre un secret familial peut parfois permettre de mieux vivre le présent et de se libérer du poids non désiré d'un héritage qui s'est transmis, consciemment ou non, jusqu'à nous… 

 

Propos recueillis par Maud Fauvel  | Publication 30 septembre 2010